mardi 6 janvier 2009

Internautes : le droit à l'oubli aux abonnés absents


Internautes : le droit à l'oubli aux abonnés absents
En l'absence de règles internationales, faire effacer les informations personnelles peut s'avérer très difficile
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Les internautes peuvent-ils effacer les traces laissées jour après jour sur Internet ? Peuvent-ils extraire de la mémoire d'un moteur de recherche les données personnelles indexées sans répit sur leur comportement d'achat, leurs opinions politiques ou religieuses, ou encore leur santé ? Avec le développement massif des caméras de vidéosurveillance, des systèmes de géolocalisation, des puces RFID et des fichiers en tout genre, la sphère privée se réduit inexorablement. « Aujourd'hui, vie privée et espace public s'interpénètrent jusqu'à ne former plus qu'un. D'autant que l'internaute, souvent fiché à son insu, devient aussi délibérément «ficheur» », a souligné la CNIL lors de la 30e Conférence mondiale Informatique et Libertés, organisée à Strasbourg en octobre dernier.
L'engouement pour les sites de partage comme Facebook ou MySpace accroît encore ce phénomène. « Paradoxalement, les jeunes générations d'internautes mettent eux-même le doigt dans l'engrenage en diffusant sur leur blog ou sur le site d'un réseau social les données les plus intimes. Ils ne mesurent pas la portée de ces révélations, qui peuvent avoir un impact déterminant sur leur avenir - par exemple, lors de l'examen de leur candidature » pour un emploi, insiste Vincent Dufief, avocat au barreau de Paris.Rectifier ou supprimer
Face aux risques de l'informatique, le législateur a prévu depuis longtemps un droit à l'oubli. Celui-ci résulte de l'association de plusieurs dispositions contenues dans la directive européenne du 24 octobre 1995 sur la protection de la vie privée. D'abord, les responsables de fichiers ne doivent pas conserver les données au-delà de la période nécessaire à leur traitement.Les fournisseurs d'accès à Internet (FAI), par exemple, ne doivent pas stocker plus d'un an les adresses IP de leurs clients. Les détenteurs des données disposent par ailleurs d'un droit d'accès, assorti d'un droit de rectification et de suppression sur les données erronées ou périmées (lire ci-dessous). Ces dispositions ont été intégrées en France à la loi Informatique et Libertés du 6 janvier 1978.
Malgré tout, sur Internet, l'exercice du droit à l'oubli se heurte à plusieurs obstacles. Lorsque l'internaute parvient à faire effacer ses données (le plus souvent par le biais d'un formulaire en ligne adressé au responsable du traitement), rien ne garantit qu'avant cette démarche, le fichier contesté n'ait pas déjà commencé à essaimer sur Internet. Identifier l'ensemble des traitements ayant relayé les informations sensibles relève alors de la mission impossible.
Par ailleurs, hors de l'Europe, la législation n'est pas harmonisée. Le droit américain ne reconnaît pas le droit à l'oubli, et les informations collectées par Google ou Facebook, dont le siège social est installé aux Etats-Unis, peuvent rester stockées indéfiniment.Alerter les mineurs
Depuis avril dernier, néanmoins, des négociations sont ouvertes entre les commissaires européens à la Protection des données et le géant des moteurs de recherche. « Google a accepté de fixer à douze mois la durée de stockage des données personnelles, alors que la CNIL et ses homologues européens préconisent une période de conservation de six mois au maximum. De nouvelles rencontres avec les représentants de Google et de Facebook sont prévues dans les mois à venir », précise Alex Türk, président de la CNIL.
D'autres mesures pratiques sont envisagées à l'échelle internationale. Concernant les réseaux sociaux, les 60 pays réunis à la Conférence mondiale Informatique et Libertés sont favorables à un système d'« opt-in », qui permettrait aux jeunes internautes de refuser la conservation d'informations sensibles. Ils préconisent également une information détaillée au profit des mineurs sur les risques encourus par une large diffusion de données personnelles.
Outre-Atlantique, on envisage d'autres pistes. « Pour restaurer l'oubli sur Internet, les sites Web devraient se doter de logiciels capables d'autoprogrammer l'effacement des données à l'expiration d'un délai légal de conservation. Le dispositif pourrait s'appliquer uniformément dans le monde. Dans tous les cas, il faut associer la loi à la technique », suggère Viktor Mayer-Schönberger, professeur de droit public à l'université d'Harvard. « La création de tels outils va dans le bon sens, même s'il faut encore lever les obstacles techniques à leur réalisation », confirme Alex Türk.
Un premier pas a été franchi par le moteur de recherche américain Ask.com. « D'un simple click sur la fonction «ask eraser», qui s'affiche en haut du site, les internautes peuvent effacer leurs données personnelles », explique Irène Toporkoff, ancienne DG chez Ask.com France. Cette fonction, actuellement accessible seulement à partir des sites américain et anglais, pourrait bientôt être étendue à la France, à l'Espagne, à l'Allemagne...

Garder le contrôle
Cependant, les fournisseurs de services sont-ils réellement prêts à revoir leur politique de gestion des données ? « Le modèle économique de la plupart des moteurs de recherche et des sites communautaires est fondé sur l'archivage à long terme d'un maximum de données, estime Vincent Dufief. Permettre aux internautes d'exercer leur droit à l'oubli de façon simple et efficace pourrait tuer la poule aux oeufs d'or. »
En France, le gouvernement vient de remettre le droit à l'oubli à l'ordre du jour. Le plan numérique pour 2012, présenté le 20 octobre dernier par Eric Besson, secrétaire d'Etat chargé de la Prospective et du Développement de l'économie numérique, insiste en effet sur l'importance de ce droit dans la protection de la vie privée. Car, en définitive, « l'internaute doit garder le contrôle de l'information diffusée », indique le point 45 de ce plan. La CNIL a été missionnée pour émettre une recommandation à ce sujet. Un défi qui suppose de renforcer d'urgence la coopération entre les différents Etats.

D'après un article de MONIQUE CIPRU
Les textes

Le droit à l'oubli résulte des articles suivants de la directive européenne no 95/46/CE du 24 octobre 1995 sur la protection de la vie privée :- Article 6-1 : les données doivent être conservées (...) pendant une durée n'excédant pas celle nécessaire à la réalisation des finalités pour lesquelles elles sont collectées.- Article 12 : les Etats membres garantissent à toute personne concernée le droit d'obtenir du responsable du traitement :a) la communication sous une forme intelligible des données faisant l'objet d'un traitement ;b) selon le cas, la rectification, l'effacement ou le verrouillage des données dont le traitement n'est pas conforme à la présente directive.

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